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ULYSSE, ERRANT DANS L'ÉBLOUI (extraits)
Le crépuscule peu à peu mange la lumière
Il vit par défaut : rien ni personne ne justifie
La nuit est originelle
Entre deux éblouissements
La beauté sera toujours cette chute
*
L'affection est une maladie sublime
Qui le frappe au fond
Comme un coup de grisou
Quand la vie est noire
À genoux dans la taille
Il tient debout à l'intérieur
Parce que le bleu des oliviers
Lui revient sur le ciel noir
Comme une découpe stellaire
Et que le destin, auquel nul n'échappe
Se conjure peut-être au prix des larmes
Du vent, libre, dans les collines
Et qu'à force de rêver
C'est-à-dire de vouloir
Vient le courage de voir
Au fond du noir la liberté
Des neiges fragiles
En allées au soleil
*
Je ne reviendrai jamais, dit-il
À l'instant de douter ou de redouter
Préférant alors en la dégradation
Au suicide de la liberté
La liberté du suicide
*
Exilé dès l'origine, fallut-il ce voyage
Aux limites de soi-même, pour comprendre
Cette évidence?
Médée étouffe ses enfants
Et l'ouragan est plus sûr
Que son étreinte fillicide
À celui qui, rendu aux limites
Se prend à chercher quelle raison préside
N'est donné que de buter
Sur ses surplus d'ignorance
*
Alors, penser, c'est psalmodier
Chantonner dans le noir
Quand tout manque et manquera toujours
La langue, qui vient du corps
Réduite comme lui à se détruire
Inéluctable percée vers la perforation
Et le foutre constellant
La vie de leurs trous noirs
*
Et que soient maudits les dieux absents
Que soit maudit l'homme absent
Il assied sur ses genoux la beauté
Il l'a trouve amère et l'injurie :
Prophétie! Prophétie!
Entre les rives, estompées
Seul le flux foudroyé
L'égare encore en ce qu'il cherche
À force de repousser tes simulacres
Anus mundi
*
Il ne répond de rien puisque rien ne répond
Cette errance est prophétique
Cette chute à l'abîme
Considérez la volupté du déclassement
Et des salissures : il n'existe nulle liberté
Sans jeter par-dessus bord les corps morts
Des augures
Toute fondation se fit au fil de l'eau
Par le rejet : c'est du ventre de l'esquif
Que surgit, avec la conscience des douleurs
Et de l'inique, la race qui se mit
À regarder en face le soleil
*
La sainteté comme le crime sont inadmissibles
Aux yeux qui lâchèrent la proie pour l'ombre
Il faut littéralement tomber
Dans la grâce ou la damnation qui sont au fond
Au prix d'une infinie nuance les mêmes voies
Et voici du soleil l'il d'or
C'est l'Homme aux mille tours qu'il me faut dire
Tandis que la mer encore baigne ses rumeurs
Il a vu les banlieues dans leur solaire pulvérulence
Où le monde marche en se globalisant
Et sur les détritus l'azur flambait
Digitales nuageuses, sable des pérégrins
Tout accélère et tout se retient
C'est le même murmure
La lessive éternelle où tout se recommence
C'est le gouffre, c'est le bleu des voix aimées
Avec leurs paroles mortelles et bien-aimées
À travers la mémoire, non le temps
Car la mémoire aussi fragile soit-elle
Parlera toujours au plus près du cur
*
L'errant a longtemps aimé l'errance et le chemin plus que la maison
Le mobile et la fixité sont-ils liés nécessairement?
Le mobile, c'est ma femme et mon tombeau dans le chant
Mais qu'est la fixité sinon l'axe et le pivot aux couleurs de pourpre
Et de pavots
Même dans le ciel d'hiver
Aux blanches nuances de colombes
Et proche ainsi de la pureté de l'isolement
Ô mon aimée en plénitude
Ton corps est blanc
Comme le temps passe et nous éloigne des tourments
*
Il n'a tant aimé la nuit que parce qu'en elle il s'oubliait
Faut-il par telle lumière et journée recolorée
Penser à ce qui sépare plus qu'à ce qui nous relie?
Notre destin, notre vie réclament que nous en soyons
Les héros et que nos lèvres en leur babil très pur
Ourdissent que le cur invisible pulsera toujours
*
O my velvet decadence, la lumière en moi est envahie
La déploration explore et exulte le chant dans ses fractures
Vive! Vive! La divination est ce nuage changeant
Qui brûle bleu dans l'oxygène ouvert
Couleur de pourpre et de satin
Le bonheur est à portée de main
*
«Qu'est donc ô roi dépossédé la frontière entre le fini
Et la force qui revient frapper encore?
Au bord de l'abîme, bois flotté, bois taillé, bois fendu
Es-tu hors du monde? Ne relis jamais ton errance
Va, Ulysse, vers tes salvations
Il n'y a point d'énigme sous l'astre rouge
Ou dans les vapeurs aurorales du bleu qui ne pèse
En rien : il faut un départ, il faut un terme
Mais le voyage seul te justifie dans l'éclat
Dans le fort éphémère, dans la perdition
Comme la rédemption
»
Copyright © Éric Brogniet, 2007
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