Bon-a-tirer est une revue littéraire diffusant en ligne, en version intégrale des textes courts originaux et inédits écrits spécialement pour le Web par des écrivains actuels principalement de langue française.







L’édition en moyen français ainsi que la traduction en français moderne de ces cinq recettes de Lancelot de Casteau sont extraites des livres suivants (à paraître fin 2011) : Lancelot de Casteau : Ouverture de cuisine. Recettes de cuisine de la Renaissance. Volume I : Edition de l’imprimé publié par Léonard Streel en 1604 établie par J.-F. Kosta-Théfaine et Volume II : Traduction en français moderne par J.-F. Kosta-Théfaine, Clermont-Ferrand, Editions Paleo


 
CINQ RECETTES DE CUISINE DE LANCELOT DE CASTEAU, MAÎTRE QUEUX DE TROIS PRINCES-ÉVÊQUES DE LIÈGE
ÉDITION DU TEXTE EN MOYEN FRANÇAIS ET TRADUCTION EN FRANÇAIS MODERNE PAR JEAN-FRANÇOIS KOSTA-THÉFAINE

Lancelot de Casteau, maître queux d’origine montoise au sujet duquel nous ne disposons que de peu d’informations, a officié auprès de trois princes-évêques de Liège (Robert de Berghes, Gérard de Groesbeek et Ernest de Bavière). Il est l’auteur d’un livre de cuisine intitulé Ouverture de cuisine qui, bien que composé vers 1585, ne sera imprimé qu’en 1604. Divisé en trois grands chapitres, ce livre renferme quelque cent-quatre-vingt-trois recettes, ainsi que deux menus, dont celui du banquet donné à l’occasion de la joyeuse entrée de Robert de Berghes en 1557. L’Ouverture de cuisine de Lancelot de Casteau nous a été conservée dans un unique livre imprimé conservé à la Bibliothèque royale de Belgique.


HOCHEPOT DE VENAISON

Prenez, pour faire un hochepot de venaison — que ce soit du sanglier ou du cerf — du pain grillé. Ensuite faites passer du poivre à l’étamine, en ajoutant de la noix de muscade, du poivre, des clous de girofle, de la poudre[1], du sucre, de la cannelle, du vin rouge, ainsi que deux ou trois oignons finement hachés. Faites frire cela dans du beurre, puis faites bien tout bouillir ensemble jusqu’à ce que ce soit épais.

Heuspot de venaison. Pour heuspot de venaison — soit de sanglier ou de cerf —, prennez pain bruslé, et faictes poivre passer l’estamine, et mettez dedans noix muscade, poivre, clauslons et pouldre, succre, canelle, vin rouge, deux ou trois oignons haschéz menus ficasséz en beurre. Et faictes les bien bouillir ensemble tant qu’il soit [luyant][2].


BROCHET À LA HONGROISE

Prenez un brochet qui soit bien écaillé et propre, ainsi que des oignons et des pommes coupées en tranches. Faites-les frire dans du beurre — il ne faut pas que celui-ci soit noir —, puis versez cela sur votre brochet. Ensuite prenez des amandes émondées coupées en petits morceaux dans le sens de la longueur et ajoutez-les à votre plat, avec du sucre, de la cannelle, de la noix de muscade, du safran, ainsi qu’un peu de sel. Faites bien cuire à l’étuvée.

Pour faire brochet a la mode de Hongrie. Prennez un brochet qui soit bien escaillé et net. Puis prennés des oignons et des pommes couppees par tranches, et les fricassés dedans le beurre — que le beure ne soit point noir —, et le jettés sur le brochet. Puis prennés des amandes pellees et couppés de longueur par petite pieces, et le mettés avec, et succre, et canelle, muscade, et saffran, un peu de sel. Et le faictes bien esteuver.


BLANC-MANGER

Prenez un chapon ou une poule tuée deux ou trois jours auparavant et mettez-le à cuire. Une fois cuit, ôtez la poitrine, découpez-la en petits morceaux, puis écrasez-la dans un mortier en y ajoutant deux ou trois cuillers de lait de vache. Ensuite prenez sept livres et dix onces de lait de vache, une livre de farine de riz bien fine. Mélangez bien votre farine avec la viande de chapon. Ensuite mélangez votre préparation avec le lait. Après cela, prenez une livre et demi de sucre bien blanc. Mettez celui-ci dans un chaudron sur le feu et remuez régulièrement avec une louche en bois. Une fois cela bouilli durant un quart d’heure, ajoutez-y huit onces d’eau de rose, un peu de sel, et laissez encore bouillir un petit quart d’heure. Ensuite ôtez du feu, versez dans le plat ou des petits récipients ou des moules carrés.

Pour faire blanc menger. Prennés un chapon ou pouille qui soit tuee deux ou trois jours, et la mettés cuire. Estant bien cuite, prennés la poitrine dehors, et la couppés en petites pieces, et [l’estampés][3] en un mortier y adjoustant deux ou trois cueillers de laict de vache. Puis prennés sept livres et dix onces de laict de vache, une livre de farine de ris qui soit bien fin, et defaictes bien vostre farine avec la chair de chapon. Et meslez tout le laict susdict avec. Puis mettez livre et demie de succre qui soit bien blanc. Mettez le dedans un chaudron sur le feu, et le tournés tousjours bien avec une lousse de bois. Ayant bouly un quart d’heure, mettez dedans huict onces d’eau de rose, un peu de sel, et le laissez encor bouillir un petit quart d’heure. Puis l’hostez jus de feu, et le jettez dedans le plat ou dedans des tasses ou dedans des formes quarees.


PÂTÉ AUX ESCARGOTS

Prenez des escargots qui soient bien cuits et bien nettoyés comme il faut, et coupez-les grossièrement avec un couteau. Ajoutez de la noix de muscade, du poivre ainsi que du beurre. Après avoir cuit une demi-heure dans le four, prenez quatre jaunes d’œufs battus et mélangés avec un peu de vin d’Espagne. Ôtez le pâté du four, puis versez-y la sauce dessus. Laissez encore au four le temps de dire un pater noter mais pas plus.

Pour faire pastés de caracolle. Prennés les caracoles qui soient bien cuites et nettoyees comme il appartient, et les couppés grossement avec un couteau, et mettés muscade, poivre, beurre. Ayant esté demie heure dans le four, prennés quatre jaulnes d’œuf debattus avec un peu de vin d’Espaigne. Tirés le pasté hors du four et jettés la saulse dans le pasté, et le laissés encor une pater noster dedans le four et non plus.


POT POURRI QUE L’ON APPELLE « OLLA PODRIDA[4] » EN ESPAGNOL

Prenez une pièce de bœuf de deux cotes. Faites-la bouillir dans un grand pot, et ajoutez-y un chapon ou une poule. Une fois que cela aura bouilli une demi-heure, ajoutez-y un petit gigot de mouton, puis un canard, des petits jambons de veau revêtus[5], deux pigeons farcis, deux perdrix, deux petits choux farcis, deux bécasses, deux saucisses de Bologne, deux mortadelles cuites à part qui seront mises par-dessus, la moitié d’un jambon de Mayence également cuit à part, des pieds et des oreilles de porc cuits à part. Vous mettrez également dans le pot des saucisses, des citrons verts salés découpés en rondelles, quatre andouilles, quatre racines jaunes farcies à la chair de veau revêtu, quatre panses de mouton farcies de bonnes herbes et de bon fromage gras, un oignon frit, ainsi que des œufs crus — la farce doit se faire ainsi. Faites frire l’ensemble dans du beurre. Ajoutez dans le pot une poignée de marjolaine, de la menthe, des choux-fleurs coupés en deux. Prenez ensuite des petits pots dans lesquels vous mettrez des pommes de terre cuites à l’étuvée — comme précédemment expliqué[6] — dans l’un, des câpres de Majorque bien lavées et bouillies avec du bon bouillon, du vin blanc et un peu de poivre dans l’autre. Vous mettrez, dans un autre pot, des pignons et des pistaches bien lavés. Faites des petits raviolis verts comme précédemment expliqué[7]. Faites également d’autres petits raviolis farcis aux amandes broyées et aux coings confits au sucre, avec de la cannelle et deux jaunes d’œufs. Faites frire les raviolis dans du beurre, puis réservez-les dans un plat. Prenez ensuite des châtaignes pelées, mettez-les dans un pot, et faites-les bien cuire à l’étuvée en y ajoutant une demi-once de noix de muscade. Mettez dans un autre petit pot des gros pois ainsi que des fèves de blanches bien cuits ensemble. Prenez garde à ce qu’il n’y ait rien de trop cuit dans les pots. Ôtez ce qui est assez cuit, mettez dans des plats et réservez. Prenez un très grand plat et mettez-y vos viandes mélangées les unes aux autres, ensuite ajoutez les jambons de Mayence — l’un, d’un côté du plat et l’autre, de l’autre. Il faut mouiller les raviolis avec du bouillon gras, y saupoudrer de la cannelle ainsi que du parmesan et les mettre dans des plats disposés ici et là. Il faut faire la même chose avec les autres raviolis. Ensuite disposez le contenu de chacun des petits pots dans le plat, y compris les saucisses de Bologne. Prenez aussi un petit dindon rôti et bien bardé de lard, une douzaine de petits oiseaux également rôtis que vous placerez au milieu du plat. Faites en sorte de tout disposer de telle façon que l’on puisse les voir. Prenez une douzaine de pieds de mouton bien nettoyés pour les mettre autour du plat. Prenez une livre de dattes cuites dans du vin et du sucre, et disposez-les avec une cuiller entre les pieds de mouton. Prenez le bouillon qui est dans votre pot, faites-le bien chauffer, puis versez-le ici et là sans toutefois mouiller ni le rôti ni les raviolis, puis servez.

Pour faire un pot pourry dict en espaignolle « Oylla podrida ». Prennez une piece de bœuf de deux coste. Mettez la boulir en grand pot et mettez avec un chappon ou pouille. Ayant boully demye heure, mettez un petit gigot de mouton dedans. Puis mettrez un canar aussi dedans le pot, puis des petits jambons de veau revestu, deux pigeons farcys, deux perdris, deux petits cabus farcis, deux begasses, deux saulsisses de Bologne, et deux mortadelles cuites a part pour mettre dessus, la moitié d’un jambon de Mayence aussi cuit a part, des pieds et oreilles de porc aussi cuites a part. Puis vous mettrez des petites saulsisses aussi dedans le pot, des limons salés couppés par quartiers, des andouilles quatre, des jaulnes racines quatre — qui soient farcies de chair de veau revestu —, quatre mulettes de mouton qui soyent farcies de bonnes herbes et de bon gras fromage, avec un oignon fricassé, et des œufs cruds — comme le farcin doit estre faict —, et vous le fricasserez dedans le beurre. Et metterés dedans le pot une poignee de marjolaine et mente ensemble, des choux floris en deux partis. Puis vous aurés des petits pots la ou vous metterés en un des tartoufles esteuvees comme devant est dict, encor un autre pot avec des caps de Majorcque bien lavés et bouillis avec bons bouillons et vin blanc, un peu de poivre. Puis un autre pot mettés des peignoles et des pistaches qui soient nettoyees. Puis faites des rafioules verdes, comme devant est escrit. Puis des autres petites rafioules emplies d’amandes et estampees, et des poires de coin confites avec succre et canelle, deux jaulnes d’œuf dedans, et fricassez les rafioules en beurre et les gardez ainsi en un plat. Puis prendrés des castagnes pelees et mettés dans le pot, et laissez bien esteuver ensemble, en mettant dedans demie once de fleur de muscades. Ayés encor un petit pot et mettez dedans des gros poix et des febves de Rome qui soient bien cuites ensemble. Puis vous regarderez bien dans le pot s’il n’y a rien qui soit trop cuit. Ce qui est cuit asséz tirez le dehors et le mettez dedans des plats a part. Prennez un tres grand plat et dressez les viandes entremeslees les unes avec les autres. Puis les jambons de Mayence que vous avez, mettez les dedans le plat, l’un de ça l’autre de la. Et les rafioules boulies faut mouiller avec gras bouillon, et semer dessus canelle et parmesan, et les mettrez dedans des plats de ça et de la ; les autres rafioules semblablement. Puis ce qu’avez dans le petit pot, metterez chascune sorte a part dedans le plat, les saulsisses de Boloigne aussi de ça et la. Puis ayez une petite pouille d’Inde rostie et bien lardee, une douzaine de petits oyseaux aussi rostis, et mettez au mytant du plat dessus, et regardez si bien de mettre toute chose qu’on les puisse voir. Puis prennez une douzaine de pieds de mouton bien nettoiés pour mettre a l’entour du plat. Puis prendrez une livre de dades cuites en vin et succre et les mettez avec un cueillier, et mettez les entre les pieds de [moutons][8]. Aprés prendrez le bouillon de vostre pot, chauffez le bien chaud, et jetterez deça et la sans mouiller le rosty et rafioules. Et servez ainsi.

NOTES

[1] Mélange de différentes épices.
[2] S. luysant. corr.
[3] e. les stampés e. corr.
[4]C’est-à-dire « pot pourri » ! Il s’agit tout simplement d’un ragoût à base de diverses viandes.
[5]Un mets dit revêtu désigne soit, comme c’est le cas ici, de la viande hachée et mélangée à d’autres ingrédients servant à recomposer la forme — tout ou en partie — d’un animal, soit, tout simplement, de la viande hachée (cf. plus loin dans cette recette).
[6]Lancelot de Casteau fait ici référence à une autre recette contenue dans son livre.
[7]Idem.
[8] d. montons. A. corr.

Copyright © Jean-François Kosta-Théfaine, 2011
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