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LA TRADITION ÉPIQUE ARABE, UN GENRE À (RE)DÉCOUVRIR EN OCCIDENT

L’OCCIDENT DÉCOUVRE LES 1001 NUITS

En Occident, la littérature arabe dite «populaire», par opposition à la littérature classique, est essentiellement connue du grand public par le biais des Mille et une nuits. La raison principale de cet état de fait est l’immense succès remporté par sa première traduction française, due à Antoine Galland et éditée à Paris entre 1703 et 1713 sous le titre : Les Mille et une Nuits, contes arabes. Un siècle plus tard, en 1811, Jonathan Scott offre au public anglophone une nouvelle traduction, basée sur la précédente et non sur le texte original. Dans les décennies suivantes, de nombreuses autres traductions verront le jour, en français et en anglais encore une fois, mais aussi en allemand et même en danois. Parmi elles, les plus célèbres sont sans doute celles d’Edward Lane (1839-1841) et de Richard Burton (1885) en anglais et celle de Joseph-Charles Mardrus (1899-1904) en français[1].
   En réalité, Antoine Galland n’avait pas traduit de l’arabe un ouvrage unique, mais avait plutôt rassemblé différentes sources : un manuscrit arabe acheté en Syrie, mais vraisemblablement originaire d’Egypte et remontant probablement au 15e siècle, conservé aujourd’hui à la Bibliothèque Nationale de France, à Paris, et puis des notes orales et écrites récoltées auprès d’un informateur syrien de confession maronite, Hannā.
   Paradoxalement, les Mille et une Nuits ne constituaient aucunement à l’époque un classique de la littérature arabe : ces histoires étaient appréciées certes, mais seulement en tant que divertissement populaire, elles étaient destinées à être contées et non pas à être lues comme un texte littéraire. D’ailleurs, la première édition arabe imprimée du texte, celle de Calcutta, est postérieure aux premières éditions en langues européennes, puisqu’elle remonte à 1814.
   Mais à côté des Mille et une nuits, d’autres représentants de la littérature populaire arabe mériteraient d’être mieux connus, notamment parce qu’ils jouissaient à l’origine d’une plus grande considération de la part du public arabe. Il s’agit des récits épiques, appelés siyar en arabe (sing. sīra). Ces récits se distinguent des Mille et une nuits à différents égards. D’abord, il s’agit de véritables épopées, relatant la geste d’un héros particulier, voire plusieurs cycles successifs liés chacun à un héros ou à une génération. Ensuite, alors que les Mille et une nuits se sont constituées dans un premier temps autour de récits étrangers — en l’occurrence persans, comme en témoignent les noms de certains de ses personnages : Šahrazād, Dinārzād… — la plupart de ces épopées sont nées dans un contexte culturel exclusivement arabe, ce qui bien sûr n’empêche pas l’introduction de motifs ou d’épisodes étrangers. Ces épopées sont assez nombreuses, comme l’illustre la liste dressée par M. C. Lyons : ‘Antara, Banū Hilāl, ‘Alī Al-Zaybaq, Al-Zāhir Baybars, Dāt al-himma , Firūz Šāh, Hamza, Sayf bin dhī Yazān, Sayf al-Tiğān, Al-Zīr[2]. Toutefois, les deux premières, celles de ‘Antara et des Banū Hilāl, se démarquent clairement par leur popularité.


UN BON DÉPART POUR ‘ANTARA…

En Occident, l’épopée de ‘Antara n’est connue aujourd’hui pratiquement que des spécialistes de la littérature arabe. Pourtant, même si ses premières traductions en langues européennes virent le jour bien après celle des Mille et une Nuits, elle fut considérée par de nombreux arabisants occidentaux comme étant supérieure aux Mille et une Nuits et intéressa de nombreux intellectuels occidentaux tout au long du 19e siècle. La geste en question est connue du public européen dès 1777 grâce à la Bibliothèque universelle des romans[3], mais c’est au siècle suivant que les traductions et les études qui la concernent fleuriront, lorsque les premières versions manuscrites achetées à des conteurs locaux sont ramenées en Europe. Dès 1819 paraît Antar, a Bedouin Romance, une traduction partielle de l’épopée effectuée par T. Hamilton. La même année sort en français un ouvrage anonyme intitulé de la même manière, Antar roman bédouin, publié par Bertrand. En 1836, Fulgence Fresnel, qui a vécu en Orient, se penche à son tour sur l’épopée d’Antar, dont il traduit des extraits, dans ses Lettres sur l’Histoire des Arabes avant l’islamisme. En 1848, Gustave Dugat publie dans le Journal Asiatique la traduction d’un autre épisode de la geste, Antar en Perse ou les chamelles açâfir. En 1864 paraît une autre traduction, Les aventures d’Antar fils de Cheddad, due à L. M. Devic. La même année, Alphonse de Lamartine publie un petit essai sur le poète arabe, sobrement intitulé Antar, dans lequel, après un long avant-propos sur le sens de l’Histoire, puis une série de considérations romantiques sur l’esprit nomade, il narre la biographie du héros. Quelques années plus tôt, le même Alphonse de Lamartine avait offert une place de choix à Antar, à côté d’Homère, Socrate, Cicéron et Rustem, dans sa Vie des grands hommes éditée en 1856. En 1868 paraît Aventures d’Antar : roman arabe, une autre traduction partielle de l’épopée par M. De Hammer, basée sur un manuscrit conservé à la Bibliothèque impériale de Vienne. Une autre traduction, due encore une fois à L. M. Devic, paraîtra en 1898 sous le titre de Antar. Poème héroïque arabe des temps préislamiques. L’intérêt pour cette épopée perdurera dans les premières décennies du 20e siècle : en 1910, Chekri Ganem publie une pièce en cinq actes, en vers, intitulée Antar, dans la collection intitulée L’illustration théâtrale. En 1921, le même Chekri Ganem, en collaboration avec Gabriel Dupont, publie une pièce intitulée Antar : conte héroïque en quatre actes et cinq tableaux, s’inspirant de la fameuse épopée, et deux années plus tard une nouvelle traduction adaptée de l’épopée paraît, cette fois sous la plume de Gustave Rouger.
   Dans le domaine de la musique, le célèbre compositeur russe Rimski-Korsakov dédiera en 1868 l’une de ses symphonies à Antar, qu’il imagine tomber amoureux d’une princesse orientale à Palmyre, en Syrie. Dans le monde anglophone, il y eut un regain d’intérêt pour cette épopée à la fin des années 1970, puisque quelques épisodes de l’épopée de ‘Antara furent traduits par D. Richmond[4], puis par H. Norris[5].
   Pour ce qui est de l’épopée des Banū Hilāl, elle ne connaîtra jamais de succès comparable en Occident, auprès du grand public du moins, alors que paradoxalement elle fut — et est encore, dans une certaine mesure — l’épopée la mieux préservée dans la tradition orale arabe. Certes, Lane en parle en détails dans son précieux livre à propos des coutumes des Egyptiens de son époque[6], et surtout, plusieurs versions seront recueillies dès les années 1880 et dans les décennies suivantes dans divers pays arabes — Égypte, Soudan, Algérie, Tunisie… — et même au Nigéria, mais elles resteront généralement cantonnées au monde spécialisé des arabisants[7], jusqu’à la publication ces dernières décennies de quelques textes destinés à un plus large public[8].


MAIS QUI SONT ‘ANTARA ET ABU ZAYD?

La geste de ‘Antara

D’entrée de jeu, il faut distinguer deux entités littéraires différentes rattachées à ‘Antara, même si elles s’imbriquent inévitablement : l’anthologie poétique de ‘Antara, et son épopée.
   ‘Antara Ibn Šaddād aurait vécu dans la péninsule Arabique au tournant du 6e et du 7e siècle, certaines sources plaçant sa mort vers 615, soit quelques années avant l’avènement de l’islam. Son père était Šaddād, l’un des chefs d’une grande tribu arabe de l’époque, les Banū ‘Abs. Quant à sa mère, Zabība, c’était une esclave au teint noir, éthiopienne ou soudanaise selon les sources. Il était donc le résultat de l’union de deux sangs différents, de deux couleurs, de deux cultures et surtout de deux conditions sociales différentes.
   Sa poésie — des centaines de poèmes, de tailles différentes, lui sont attribués — aborde trois grands thèmes : son amour pour sa cousine ‘Abla, sa bravoure et la couleur de sa peau. ‘Abla était la cousine de ‘Antara, qui lui vouait un amour devenu proverbial. ‘Abla et ‘Antara font partie des quelques couples emblématiques de la poésie amoureuse arabe, au même titre que ‘Urwa et Afrā, Jamīl et Buthayna ou Qays et Lubnā. Comme souvent dans la littérature amoureuse orientale — et mondiale — cet amour est difficile à concrétiser en raison de l’opposition du père de la jeune fille, mais ce sont précisément les obstacles à leur union qui deviennent la source d’inspiration du poète-héros. Mais dans le cas particulier de ‘Antara, la trame du récit est plus originale. D’abord, la différence de classe est poussée à l’extrême, puisqu’un esclave aime une femme libre – même si, paradoxalement, elle fait partie de sa famille proche. Ensuite, leur histoire se termine par un mariage, contrairement à celle de la plupart des autres grands couples de la poésie arabe aux amours insatisfaites. La tradition donnera à ‘Antara de nombreuses autres conquêtes féminines, en Arabie et ailleurs. Pourtant, sa poésie ne nomme qu’une seule femme, ‘Abla.
   La bravoure de ‘Antara est un autre grand thème de sa poésie – son propre nom signifie d’ailleurs «brave», comme si sa mère avait voulu encourager son destin par le choix de ce nom. La tradition veut qu’encore enfant, ‘Antara ait appris les arts de la guerre en cachette, s’entraînant avec son frère Šaybūb à manier les armes et à monter à cheval. Il gagne plusieurs combats mortels durant son adolescence, mais toujours contre des esclaves… C’est grâce à cette bravoure qu’il a pu finalement gagner le statut d’homme libre. En effet, il participa à quelques batailles, mais lors du partage du butin, on lui rappelait toujours son statut. Un jour que le camp des Banū ‘Abs est attaqué par les Tayyi‘, une autre grande tribu de la péninsule, son père lui demande de les aider à combattre au lieu de s’occuper du bétail. ‘Antara répond qu’on lui a toujours affirmé que la place de l’esclave était auprès des chameaux, pas dans les rangs des combattants. Acculé par la tournure des événements, son père lui lance alors une phrase restée célèbre dans la tradition arabe : «Bats-toi et tu seras un homme libre.» On devine la suite : ‘Antara prend les armes et met l’ennemi en déroute, gagnant du même coup sa liberté. Désormais, il participera comme les autres aux razzias et aux ripostes contre l’ennemi, alimentant du même coup sa poésie.
   En parcourant l’œuvre du poète, il est amusant de le voir tantôt vanter son amour de la guerre et du sang, tantôt pleurer pour sa cousine ou encore participer à des concours d’éloquence, consistant par exemple à énumérer le plus grand nombre de synonymes du mot «chameau» ou «épée»…
   La violence de certains de ses poèmes peut sembler a priori en contradiction avec son statut de poète. En réalité, dans une société où l’homme doit défendre sans cesse les maigres pâturages et l’accès aux puits dans un désert particulièrement hostile, cette contradiction doit être relativisée. Et puis, cette violence revêt aussi un certain caractère apotropaïque, destiné à effrayer l’ennemi.
   Nous avons dit plus haut que la mère de ‘Antara avait le teint noir, en effet la tradition rapporte que lui-même et ses frères avaient hérité du teint de Zabība, ce qui valut d’ailleurs au poète le surnom d’Abū l-Muġallis, que l’on pourrait traduire par le «fils des ténèbres» ou «celui qui erre dans la nuit». Or, la couleur de la peau de ‘Antara et, partant, ses origines serviles, constituent le thème le plus intéressant de la poésie de ‘Antara, car c’est ce qui donne à l’œuvre du poète son originalité. Tous les poètes de l’époque parlent d’amour et de leurs faits d’armes, mais lui fait plus, plus et mieux : il aborde deux thèmes de société, l’esclavage et le racisme.
   Le rappel incessant de sa double condition de fils d’esclave et d’homme noir a avivé ses talents poétiques, au point même d’être à l’origine de certaines de ses oeuvres. En effet, selon la tradition, un poète se serait moqué de la couleur de peau de sa mère, de ses frères et bien sûr de lui-même. ‘Antara aurait alors vanté ses propres qualités morales, à quoi le poète lui aurait rétorqué : «ma poésie est supérieure à la tienne». C’est alors que ‘Antara aurait déclamé sa mu‘allaqa, son poème le plus célèbre[9]. La tradition veut que ‘Antara mourut très âgé, à quatre-vingt-dix ans. Il existe plusieurs versions de sa mort, quelques-unes le font périr au combat, lors d’une attaque de la tribu adverse des Tayyi‘.
   Mais, au-delà de l’œuvre et des exploits de ‘Antara de son vivant, le plus intéressant est ce qui se passa après sa mort. En effet, il deviendra si célèbre qu’il sera rapidement le héros d’une sīra, d’une «épopée» médiévale arabe : la SīratAntara. Il s’agit d’un long récit qui reprend la biographie du poète en développant ses faits d’armes, qui deviennent de véritables expéditions aux quatre coins de la terre, de l’Éthiopie à Constantinople.
L’épopée se constitua probablement à partir du 8e siècle, puisque des textes de l’époque la citent, mais elle fut ensuite remaniée par des auteurs successifs durant plusieurs siècles, avec une certaine maturation au 12e siècle. La version manuscrite la plus ancienne qui soit conservée ne remonte qu’au 16e siècle. Le texte est émaillé de poèmes, notamment ceux que l’on retrouve dans son dīwān — le recueil de ses œuvres. Il va sans dire que très rapidement, ‘Antara le héros de l’épopée n’a plus grand-chose à voir avec ‘Antara le poète. L’une des éditions imprimées de cette sīra est composée de pas moins de… trente-deux tomes! Des récits historiques des plus variés, complètement anachroniques tant entre eux que par rapport à l’époque du poète original, se mêlent à des scènes fantastiques. Le caractère du héros change aussi, ayant de nombreuses unions secrètes avec des princesses des quatre coins du monde – on est loin de l’amant fidèle à sa cousine ‘Abla…
   Mais la geste atteint le comble du paradoxe en présentant désormais ‘Antara comme le parangon du caractère masculin arabe. C’est lui, plus que tout autre personnage épique de la tradition arabe, qui n’en manque guère pourtant, qui représente «l’homme arabe idéal» : courageux, chevaleresque, honnête et vertueux.
   Cette épopée devient réellement un « classique » de la littérature orale arabe, un genre en soi, qu’on surnomme Malḥamat al-‘Arab, «L’épopée des Arabes». Un intellectuel arabe contemporain n’hésite pas à y voir l’Iliade des Arabes — tandis que Hippolyte Taine estimait qu’il n’avait rien à envier à Roland, au Cid, à Ulysse ou même à Achille[10].
   La poésie de ‘Antara fut appréciée de tout temps — c’est l’un des poètes les plus cités dans le Kitāb al-aġānī, «Le livre des chansons» un ouvrage de littérature incontournable du 10e siècle, dû au savant Al-Isfahānī — et aujourd’hui encore on mémorise sa mu‘allaqa dans les écoles dans le monde arabe. Cette observation a son importance, bien au-delà de la littérature : cela signifie que si une partie de la société a éprouvé à certains moments un sentiment de racisme envers ‘Antara et ses semblables, une autre partie elle, non seulement était sensible aux souffrances du poète mais surtout était prête à l’accepter et à le hisser au niveau de héros national.

L’épopée des Banū Hilāl

Il existe deux grandes traditions de cette épopée, celle de Syrie et celle d’Égypte, et pratiquement autant de versions que de conteurs. Elle s’inspire d’un événement historique important dans l’histoire du Maghreb, de la Tunisie en particulier : dans la seconde moitié du 10e siècle, la tribu des Banū Hilāl quitte l'Arabie pour l'Egypte suite à une importante famine. En 1049, Mu'izz bin Badis, souverain de la dynastie ziride en Tunisie, se déclare indépendant du Caire. Pour le punir, les autorités poussent les Banū Hilāl en quête d’une nouvelle patrie à émigrer vers ses terres, il s’ensuit une longue série de batailles entre les Banū Hilāl et les souverains tunisiens. Une série de personnages se détachent du récit, notamment les héros de la tribu, Hasan Bin Sarhān, Abū Zayd, Zaydān et Dhiyāb, mais aussi la belle Ğāzya, sœur du premier, et dans le camp adverse Al-Zanātī et al-‘Allām. Bien que le récit s’inspire d’un fait historique, ces personnages sont secondaires dans les chroniques, voire inconnus pour certains. 
   Comme dans le cas de l’épopée de ‘Antara, une série de faits annexes et de digressions en tous genres émaillent le récit principal : faits d’armes, rencontres amoureuses, intrigues de palais…


LES AUTRES ÉPOPÉES

Nous avons cité plus haut quelques autres épopées : ‘Alī Al-Zaybaq, Al-Zāhir Baybars, Dhāt al-Himma... Elles sont encore moins connues du grand public occidental, même si quelques-unes ont été partiellement traduites en langues européennes : celle de Baybars (un sultan mamelouk, d’origine servile donc, qui régna sur le Caire et Damas au 13e siècle), grâce à la louable initiative de l’arabisant Georges Bohas, lequel avait entrepris dans les années quatre-vingt-dix de traduire en français une partie de l’épopée sous le titre du Roman de Baïbars[11], celle de Zīr Sālim le poète préislamique, traduite par Marguerite Gavillet Matar[12] et, en anglais, celle de Sayf bin Dhī Yazan, retraçant les aventures d’un vaillant roi yéménite combattant les païens, voyageant de l’Irak au Soudan en passant par Oman et l’Égypte, sans cesse aux prises avec des forces magiques, et dont la traduction a été entreprise par Lena Jayyusi[13], laquelle a beaucoup œuvré pour faire connaître la littérature arabe classique et contemporaine au public anglophone. Les autres gestes, quasiment inconnues du public occidental, n’en sont pas moins aussi intéressantes les unes que les autres. Citons par exemple l’étrange épopée de Dhāt al-himma, dont le personnage principal est une femme guerrière, nous y reviendrons, ou encore celle de Fīrūz Şāh, un prince persan qui parcourt le monde à la poursuite de sa bien-aimée, du Yémen à la Chine en passant par l’Égypte et l’Afrique.


LA FORME DU RÉCIT

L’épopée arabe est généralement constitué d’une alternance de prose rimée — le sağ‘ — et de poèmes, souvent des quatrains à rime unique, mais il y a de nombreuses variations de forme. Une autre caractéristique de ces gestes est qu’elles sont récitées dans une langue populaire mêlant plusieurs niveaux linguistiques : arabe classique ou classicisant pour l’introduction religieuse, arabe dialectal pour le récit, arabe dialectal parfois plus soutenu pour la poésie, chaque conteur utilisant le dialecte de sa propre région : à côté des versions écrites, on a recueilli des versions de l’épopée des Banū Hilāl en arabe de Haute-Egypte, en arabe algérien, en arabe tunisien, en arabe de la tribu šuwa du Nigeria[14]… Mais le niveau de langue ne varie pas seulement en fonction du thème abordé, il peut aussi dépendre des aptitudes du conteur. Ainsi, selon Al-Abnūdī, un poète égyptien devenu spécialiste de l’épopée des Banū Hilāl, les gitans — en Égypte, de nombreux conteurs sont issus de cette communauté — utilisent une langue simple et populaire, tandis que les artistes habitués à chanter des poèmes religieux qui s’attaquent ensuite au répertoire de l’épopée utilisent une langue très proche de l’arabe classique. Cela se ressent encore plus lorsque le conteur lit directement son livre à son public, Al-Abnūdī nous dit qu’alors «le conteur se transforme en livre et le public en lecteur[15]». Le Britannique Lane faisait déjà une observation similaire au 19e siècle, relevant que l’épopée de ‘Antara telle qu’elle était encore chantée au Caire était plus difficile à comprendre par l’auditoire populaire que l’épopée des Banū Hilāl, parce que le conteur n’improvisait pas dans la langue quotidienne mais lisait son texte à partir d’un livre. Inversement, les versions écrites de ces épopées conservent souvent les formules de la performance orale, notamment les nombreuses interpellations de l’auditoire par le conteur. Notons que certains savent aussi s’adapter à la langue de leur public, et Al-Abnūdī de nous citer en exemple un conteur formé à Alexandrie devenu ensuite très populaire en Haute-Égypte, parce qu’il a su transposer son œuvre au parler local, très différent de celui de la grande ville du nord du pays[16].


LA PERFORMANCE

Ceux qui content les épopées constituent une catégorie particulière d’artistes, qu’on appelle de manière générale rāwī ou encore hakawātī dans le cas particulier du Proche-Orient. En Egypte, ceux qui chantent la geste des Banū Hilāl portent le titre de šu‘arā’ — littéralement «poètes». Au 19e siècle, Lane mentionnait déjà cette appellation, précisant que ceux qui s’étaient spécialisés dans la geste de ‘Antara portaient le nom de‘Antariyya oude ‘Anâtira (‘Antarī au singulier), que l’on pourrait traduire par «Antaristes». Quant aux poètes spécialisés dans la geste des Banū Hilāl, le même Lane observait qu’on les appelait aussi Abū Zaydiyya, en référence à leur héros de prédilection, voire Hilāliyya, Zuġbiyya ou même Zanatiyya, en fonction des héros qu’ils affectionnent le plus. Quant aux muhaddithīn — littéralement les «conteurs» — une trentaine au Caire à l’époque, ils ne chantaient que l’épopée de Zāhir Baybars, appelée Al-Zāhiriyya. Le même auteur nous apprend qu’il n’y avait plus à l’époque que six conteurs spécialisés dans la geste de ‘Antar, qui lisaient directement la geste, chantant les parties en vers sans toutefois s’accompagner d’instrument de musique, il nous dit aussi que ces artistes chantaient également d’autres épopées, comme celle de Dhāt al-himma et celle de Sayf Bin Dhī Yazan[17]. À la même époque, on récitait aussi les épopées de ‘Antara et des Banū Hilāl en Syrie, à Alep et à Damas notamment[18].
Aujourd’hui, la transmission orale de ces épopées est en voie de disparition : dans la première moitié du 20e siècle, il y avait encore à Fès, au Maroc, un homme capable de réciter sans les lire les épopées de ‘Antara et de Sayf Bin Dhi Yazan[19]; il y a quelques décennies, un hakawātī «lisait» encore certaines épopées dans l’un ou l’autre café de Damas avant que cela ne se transforme en attraction touristique. Mais apparemment seule l’épopée des Banū Hilāl est encore chantée aujourd’hui par quelques «poètes» de Haute-Égypte.
   Le conteur se produit à certaines occasions — noces, fêtes de circoncision ou encore de mawlid, c’est-à-dire la célébration de la naissance de Muhammad — ou encore en des lieux spécifiques : au 19e siècle et au siècle suivant, de nombreux conteurs officiaient dans les cafés populaires, usage que l’on retrouve en Iran et en Anatolie d’ailleurs, ou encore dans les parcs, comme celui d’Al-Azbakiyya au Caire, où Lane situe aussi les performance des conteurs des épopées de ‘Antar, des Banū Hilāl et de Baybars, mais aussi celles des artistes turcs qui faisaient du théâtre d’ombre et du Karagöz. Pour la ville du Caire, Lane mentionne l’existence d’une cinquantaine d’Abū Zaydiyya , il explique comment ils s’installent généralement sur une mastaba — sorte d’estrade ou de banc en terre — devant un café, et attirent ainsi un public qui s’assemble dans la rue pour les écouter, et qui les rétribue en fonction de leurs moyens[20]. Notons qu’à la même époque, les troubadours anatoliens dont nous aurons à reparler plus loin se produisaient exactement de la même manière, à l’occasion des fêtes, chez les notables et dans les cafés, vivant de l’obole que le public voulait bien leur donner. Al Abnūdī rapporte aussi qu’il y a peu en Egypte les conteurs d’épopée gitans allaient jusqu’à se produire dans les trains[21], sans doute pour le plus grand plaisir des passagers!
   En fonction de l’adresse et de la formation du conteur, tantôt ce dernier récite son texte de mémoire, tantôt il s’aide d’un livre qu’il suit plus ou moins fidèlement. En Égypte et au Soudan, le conteur s’accompagne d’un instrument traditionnel, appelé rabbāba, un instrument à deux cordes tenu verticalement, que l’ont fait vibrer à l’aide d’un archet, ou encore d’un tār (instrument à percussion), d’un violon occidental ou même d’un ‘ūd (un luth oriental). Au Maroc, il pouvait s’accompagner d’un tambourin tandis qu’en Tunisie le poète était souvent secondé par un flûtiste.


LES HÉROS S'ADAPTENT

L’appropriation du récit par les conteurs et leur auditoire ne se fait pas uniquement par la langue. En fonction du lieu où l’épopée est récitée, de nouveaux personnages apparaissent, d’autres disparaissent, et surtout l’environnement s’adapte. Ainsi, dans la version nigériane de l’épopée des Banū Hilāl, le paysage censé représenter la péninsule Arabique et la Tunisie est en réalité celui des steppes du nord du Nigéria : l’esclave qui est en charge de nourrir Abū Zayd enfant chasse pour lui sept éléphants avant de les cuire. Ailleurs, Dhiyāb est comparé à un éléphant encore une fois, tandis qu’Abū Zayd lui-même chasse l’hippopotame et que l’une de ses esclaves explore une fourmilière[22]… Dans certaines versions soudanaises, on insiste sur la traversée du pays d’ouest en est par Abū Zayd en route pour Tunis, ainsi que sur les liens matrimoniaux établis alors entre certains de ses proches et la population locale, notamment la tribu des Baggāra. Une légende considère même que le frère du héros, Ahmad, a épousé une princesse de la tribu des Tunğur et est ainsi devenu le roi du Darfour[23].
   Ces adaptations géographiques et culturelles de l’épopée ne sont pas propres au monde arabe, elles se retrouvent dans d’autres espaces culturels couvrant un espace géographique assez vaste pour permettre l’éclosion de particularismes régionaux. Dans le monde turc par exemple, bien des épopées furent façonnées, modifiées, réinterprétées et adaptées en fonction de la sensibilité du conteur et surtout de son public — d’un point de vue linguistique, culturel ou même religieux. Ainsi, Köroğlu, sorte de Robin des bois anatolien, est au gré des versions recueillies tantôt sunnite, tantôt chiite, tantôt encore chrétien, tandis qu’Âşık Garip, l’éternel maoureux, naît tantôt en Anatolie, tantôt à Tbilissi ou même chez les Karabatay, en fonction des attentes du public[24].
   Les adaptations peuvent aussi être d’ordre chronologique : au fur et à mesure qu’une épopée est véhiculée, le conteur y greffe de nouveaux éléments, qui peuvent lui être inspirés tantôt par sa fantaisie personnelle, tantôt par les doléances — ou les exigences — du public, tantôt encore par le désir d’actualiser le récit, de ne pas le laisser se scléroser, ou encore d’accentuer son rôle social ou son aspect édifiant. C’est ainsi que ‘Antara, poète du 6e siècle, se retrouve à participer aux guerres contre les Croisés — arrivés au 11e siècle en Orient! — car comment passer sous silence un événement comme celui là dès lors qu’il s’agit de mettre en valeur les qualités guerrières du héros arabe par excellence? De même, une version écrite remontant à la fin du 18e siècle de l’épopée de Zīr Sālim, elle-même censée se dérouler à l’époque préislamique, quelques personnages consomment du café tandis que certains conflits se règlent à l’aide d’armes à feu[25] — deux innovations adoptées bien des siècles plus tard dans le monde arabe! S. Slyomovics mentionne une série d’anachronismes similaires dans l’évolution récente de l’épopée des Banū Hilāl, comme l’introduction dans une version libyenne de ‘Umar Mukhtār, un héros de la résistance contre… l’occupation italienne au début du 20e siècle! De même, dans une version jordanienne, les héros se modernisent en s’armant non plus de sabres, mais de kalachnikovs[26]… Enfin, les adaptations peuvent prendre parfois une connotation «politique» : dans une version égyptienne, le héros Abū Zayd est identifié au héros national de l’époque, Gamal Abdel Nasser, tandis que le mauvais souverain, Al-Zanātī, n’est autre qu’Anouar Al Sadate, considéré comme un traître pat une grande partie de la population[27].


TROIS THÉMATIQUES PARMI D'AUTRES

Un esclave devenu héros : une revanche sociale?

Les esclaves sont très présents dans les épopées arabes, et ils sont la plupart du temps d’origine africaine, en particulier dans les gestes censées se dérouler dans la péninsule Arabique. Ils reflètent en cela la réalité d’une société où l’esclavage est un élément important à la fois de l’économie et du tissu social. Ces esclaves, comme le reste de la société, sont dépeints tantôt de manière positive — fidèles à leurs maîtres, messagers de confiance, conseillers, bons soldats — tantôt de manière négative — fourbes, comploteurs et rancuniers. En tous les cas, quelques-uns d’entre eux connaissent un destin exceptionnel.
   Nous avons déjà mentionné plus haut le cas de ‘Antara, qui naît avec le statut d’esclave et d’étranger, grandit avec celui d’homme libre, guerrier et poète à la fois, épouse sa cousine de rang libre et enfin passe à la postérité comme le héros arabe par excellence. Similaire fut le destin, des siècles plus tard, de Baybars, esclave militaire d’origine turco-mongole devenu lui le sultan d’Égypte et de Syrie au 13e siècle. Ces exemples de revanche extraordinaire du héros sur le destin ont certainement dû réconforter des générations d’auditeurs — pauvres gens, étrangers, esclaves, mais aussi amoureux éconduits ou même, pourquoi pas, notables en disgrâce — dans le monde arabe, leur donner la force de mieux vivre leur sort malheureux en espérant qu’il ne soit que passager, comme l’ont fait Köroğlu en Anatolie et Robin des Bois en Grande-Bretagne. Précisons qu’un particularisme de l’esclavage dans le monde arabo-musulman a par ailleurs maintes fois donné l’occasion au public de percevoir cette revanche comme appartenant au domaine du possible : de nombreux notables, gouverneurs et même souverains célèbres avaient effectivement commencé leur vie comme esclaves — à commencer par le vrai Baybars lui-même, puisqu’il a réellement existé — avant d’être affranchis.
   Par ailleurs, l’esclave peut être valorisé avant même d’être affranchi, voire même sans nécessairement être un jour libéré. Dans l'épopée des Banū Hilāl, plusieurs héros secondaires ne sont autres que des esclaves, qui jouent souvent un rôle clé dans certains épisodes — ils sont d'ailleurs décrits avec beaucoup d'empathie dans certaines versions. Ainsi dans celle rapportée par Tahar Guiga en Tunisie, Sa‘ad l’esclave de Dhiyāb est un homme rusé qui seconde son maître, tandis qu’al-Khadrā l’esclave est celle grâce à qui la princesse ‘Azīza tombe amoureuse de Yūnis[28].

Le rôle de la femme : une seconde revanche sociale?

Mais les épopées ne font pas seulement la part belle aux esclaves, les femmes elles aussi se découvrent parfois des privilèges, voire des rôles qui cadrent peu avec la réalité sociale, et qui permet sans doute aux auditrices de se venger de leur destin — même si nous ne prétendons pas que c’est là l’unique raison de leur mise en valeur dans les récits épiques arabes.
   De manière générale, la femme est souvent le moteur de l’épopée, car c’est pour elle que le héros affronte l’ennemi. Ainsi, c’est pour rassembler la dot exigée par le père de ‘Abla que ‘Antara se rend en Irak, voyage qui sera à l’origine d’une longue série de rencontres importantes, notamment avec le roi Al-Mundir. Parfois, les femmes jouent un rôle important en influençant les hommes dans leurs prises de décision, par leur sagesse ou leur force de persuasion, comme la belle Ğāzya dans l’épopée des Banū Hilāl ou encore Ğalīla dans celle de Zīr Sālim.
   Mais la puissance des femmes peut aller bien au-delà, se muant même en force physique. Ainsi, dans l’épopée de ‘Antar, plusieurs femmes montent à cheval, manient les armes blanches et se battent en duel comme les hommes, allant parfois jusqu’à les vaincre. C’est le cas d’Al-Rabāb par exemple, reine de la tribu arabe des Banū Al-Riyān, qui tue le roi Ğudhayma à l’issue d’un duel, ou encore d’Al-Ğaydā’, une femme qui s’habille comme un homme et qui affronte ‘Antar à plusieurs reprises. Mais le cas le plus intéressant est certainement celui de Ġamra, sorte de double du héros de l’épopée : elle est noire elle aussi, fille d’un noble et d’une esclave, et n’est reconnue par son père qu’après s’être illustrée à la guerre. Ġamra affronte ‘Antar en duel, mais elle perd, ce dernier s’unit alors à elle et lui donne un fils, qu’elle cache et refuse de reconnaître, à la fois parce qu’il est le fruit d’un viol et parce qu’il a la peau noire de ses parents[29]. Un dernier personnage féminin étonnant dans la geste de ‘Antar est celui de sa fille, ‘Unaytra, que l’on pourrait traduire par «la petite ‘Antar». Comme les femmes précédentes, elle a les mêmes qualités guerrières que son père, et se bat contre les tribus ennemies des Banū ‘Abs, mais surtout, c’est elle qui fait le lien avec l’islam puisqu’elle se bat aux côtés de Muhammad, se convertit à la nouvelle religion et encourage une partie de la tribu des ‘Abs à faire de même.
   Les femmes menant la guerre contre une ville ou affrontant un homme au combat singulier apparaissent aussi dans la plupart des autres épopées arabes : dans celle de Hamza Al-Bahlawān par exemple, la princesse Turbān promet de tuer le héros, tandis que dans celle de ‘Alī Al-Zaybaq, c’est la propre mère du héros, Fātima, qui affronte les hommes, tuant notamment le père du héros après leur seul et unique accouplement. Parfois, ce n’est plus une mais plusieurs femmes guerrières qui affrontent les hommes, comme ‘Anqā la fille de Tahmāz et ses quarante compagnonnes, dans l’épopée précitée de Hamza[30].
   Dans l’épopée de Zīr Sālim, la princesse Su‘ād affronte physiquement chacun de ses prétendants, et leur inflige une bonne correction, à coup de poing ou de massue, jusqu’au jour où elle tombe sur plus fort qu’elle — Sa‘ad le Yéménite — et se voit contraindre de l’épouser.
   Notons au passage que les Amazones faisaient partie de l’imaginaire arabe médiéval : certaines sources historico-géographiques arabes, s’inspirant de récits de marins, font état d’une « île des femmes » qui serait située dans l’océan Indien et dont les hommes seraient exclus, tandis que d’autres en mentionnent une autre qu’elles situent dans la mer Baltique. L’idée, quoique profondément remodelée, est vraisemblablement inspirée au moins partiellement des Amazones grecques, passées dans la tradition arabe par la Géographie de Ptolémée, un ouvrage connu des historiens et géographes arabes médiévaux, ainsi que par le fameux Roman d’Alexandre du pseudo-Callisthène, qui fut traduit en arabe aux alentours du 8e ou du 9e siècle[31].
   Enfin, rappelons que l’une de ces épopées nous narre en priorité les exploits d’une femme, Dhāt al-himma — héroïne éponyme du récit — et de sa descendance, à l’époque omeyyade puis abbasside : Fātima, qui deviendra ensuite Dhāt al-himma, se bat contre les Byzantins pour défendre la ville de Malatya, aujourd’hui en Turquie. Vêtue comme un homme, on la voit tantôt diriger une armée, tantôt pousser des blocs de pierre sur ses assaillants, mener un combat au corps à corps et décapiter ses ennemis[32].

L’islamisation du récit

Quelques sources occidentales du 19e siècle, Lane et Fresnel notamment, rapportent que les récits épiques étaient peu appréciés des lettrés et des religieux, qui voyaient d’un mauvais œil l’influence que cette littérature « populaire » pouvait avoir sur le commun des mortels. Voici ce qu’en dit Fresnel :

Le roman historique [d’Antar] tient à peu près la même place dans la littérature arabe que les romans de chevalerie dans les littératures européennes. Les conciles de l’islam l’ont mis à l’index, ce qui n’empêche pas qu’on ne le lise toujours sous la tente du Bédouin et dans un certain café du Caire. Mais comme le style en est plat et la poésie informe, les Lettrés de ce pays ne le comptent point parmi les ouvrages qui composent la littérature arabe. Le roman d’Antar n’est, à leurs yeux, que la pâture intellectuelle du vulgaire. On peut en dire autant des Mille et une nuits, et de quelques autres recueils plus ou moins divertissants, qui de tout temps ont été en Orient l’objet d’un profond dédain de la part des hommes instruits[33].

Pourtant, bien des éléments de la tradition épique tentent de réconcilier récit populaire et religion. D’un point de vue strictement formel d’abord, le conteur commence toujours son récit par un discours religieux, adressant ses louanges à Dieu. Cette manière de faire lui permet notamment de justifier pourquoi il passe son temps à mémoriser puis relater un récit en apparence non religieux. La version de l’épopée des Banū Hilāl recueillie par Al-Abnūdī en Haute-Egypte par exemple, commence par une longue louange adressée au prophète et au Créateur :

Je prie et je salue notre bon prophète,
Je loue le grand prophète par mes prières,
Le prophète a dit : «Lève-toi Bilāl, et appelle à la prière,
Lève-toi Abū Bakr, et prie

Avant tout, je mentionne le nom du Vivant, du Présent
Dieu, le créateur de la terre,
Celui qui a élevé les cieux, sans l’aide d’une colonne,
Celui qui par son pouvoir a étendu la terre[34]…»

Mais le lien avec l’islam est encore plus fort : Al-Abnūdī relève que les poètes considèrent généralement qu’ils sont inspirés par Dieu, qui les a choisis pour apporter son message aux croyants. Ce choix se manifeste par des phénomènes surnaturels : Al-Hāğğ Al-Dawī par exemple aurait réalisé que Dieu l’avait élu après avoir entendu plusieurs nuits d’affilée le son d’un rabbāba suspendu au mur, tandis que Mabrūk Al-Ğawharī l’aurait compris lorsque le vent d’une tempête a déposé à ses pieds un petit livre qui contenait en réalité l’épopée des Banū Hilāl.
   Une autre manière utilisée par les conteurs pour lier ces récits à la religion est l’introduction de personnalités religieuses comme Sayyida Zaynab la fille de ‘Alī, qui annonce à Fātima la naissance d’un fils prodige dans l’épopée de ‘Alī Al-Zaybaq, ou surtout d’Al-Khidr, présent dans plusieurs épopées. Al-Khidr est un personnage énigmatique de la tradition musulmane, lié au secret de l’immortalité, qui apparaît souvent comme le protecteur discret des héros. Notons qu’il est également associé au don poétique dans la tradition turque, sous le nom de «Hızır» : il apparaît généralement en songe à un homme qu’il choisit parmi le commun des mortels, et lui fait apparaître une femme dont il va tomber amoureux. À son réveil, le poète n’aura de cesse que de retrouver sa bien-aimée, qui vit généralement dans une contrée éloignée, ce qui lui inspire de superbes vers — en turc, le conteur populaire est appelé âşık, qui signifie à la fois «barde» et «amoureux». De plus, à son réveil il se découvre aussi le don de jouer du saz, l’instrument à cordes qui accompagne le barde dans tous ses déplacements.
   Parfois aussi, le conteur insiste sur les caractéristiques des héros qui en font de bons musulmans, à côté de leurs talents physiques et intellectuels. C’est par exemple le cas de ‘Ali Al-Zaybaq enfant, capable de réciter le coran alors qu’il n’a même pas encore appris à lire.
   Toutefois, les cas d’islamisation du récit les plus intéressants sont bien sûr ceux qui concernent les épopées censées se dérouler avant l’avènement de l’islam, comme l’épopée de ‘Antara ou encore celle de Sayf Bin Dhī Yazan. Dans le premier cas, nous avons déjà cité plusieurs exemples d’intégration du héros à l’islam, tant au niveau confessionnel qu’historique : la participation du héros aux Croisades, et aussi la conversion de sa fille, entraînant du même coup celle d’autres membres de la tribu. Le cas de Sayf Bin Dhī Yazan est encore plus intéressant : alors que Sayf était un roi yéménite païen ayant vécu un siècle au moins avant l’apparition de l’islam, dans l’épopée à laquelle il a donné son nom il se métamorphose en un vaillant guerrier de l’islam aux prises avec les populations païennes. Ce tour de passe-passe historique naît d’un étonnant concours de circonstances : le ministre du roi, Yathrib, particulièrement apprécié de son maître, a compris à force de lire la Bible et la Torah qu’un certain Muhammad allait un jour apparaître sur terre et révéler la vrai foi — en l’occurrence la foi musulmane. À force de discuter avec son ministre, Sayf abandonne le culte des idoles telles Al-Lāt et Al-‘Uzza pour se tourner vers le Dieu unique, devenant ainsi un défenseur de l’islam avant même la naissance de son prophète...
   On retrouve la même idée dans certaines version de l’épopée de Zīr Sālim, censée se passer également avant l’avènement de l’islam, où le roi Tubba‘ pressent la venue de Muhammad et se convertit à l’islam avant son avènement, exactement comme Sayf. Dans le cas de la version traduite par Marguerite Gavillet Matar, on trouve d’ailleurs un étonnant télescopage entre des références explicites à l’islam — les fréquentes mentions de Muhammad, mais aussi de son fameux cheval ou encore des houris, les vierges promises aux musulmans dans le Paradis – et d’autres propres à la culture arabe préislamique — la mention d’Abraham comme prophète principal, la lecture de l’avenir dans le sable[35]
   Mais ces divers artifices destinés à assurer une respectabilité aux héros ne font pas de ces œuvres des épopées confessionnelles : l’on sait qu’à l’époque où elles étaient contées, en Afrique du Nord comme au Proche-Orient, elles attiraient un public multiconfessionnel. Lucienne Saada mentionne l’existence de plusieurs informateurs juifs à propos de la geste des Banū Hilāl recueillie en Tunisie[36], tandis qu’au début du 19e siècle Terrick Hamilton rapportait que l’épopée de ‘Antar était particulièrement appréciée des Arméniens de la ville d’Alep, en Syrie[37]. Marguerite Gavillet Matar signale pour sa part l’existence de versions proche-orientales de la geste de Zīr Sālim dues à des copistes chrétiens, où les louanges à Muhammad sont remplacées par des louanges à la Vierge Marie[38]. Exactement de la même manière, les épopées turques mentionnées plus haut comme celle de Köroğlu, dont les héros étaient musulmans, étaient non seulement appréciées des juifs et des chrétiens de l’Empire ottoman, mais même récitées à la fois par des bardes musulmans et des bardes chrétiens — souvent des Arméniens — qui adaptaient eux aussi certains passages de leurs récits en fonction de la religion de l’auditoire.[39]

Indéniablement, qu’il s’agisse de la place des esclaves, des femmes ou de la religion, le conteur prend bien des libertés avec la réalité historique et sociale : femmes et esclaves jouent un rôle disproportionné par rapport à leur condition, tandis que certains personnages préislamiques deviennent des héros « musulmans » ! Mais qu’importe. Comme le décode très bien l’Egyptien Ali Fahmi en tentant de résumer la réinvention de l’histoire par le conteur populaire :

L’épopée n’est pas seulement pour le peuple une manière de défoulement, mais encore – voire d’avantage – un moyen d’affronter des événements qui contrecarrent ses aspirations nationales (…). Si nous comparons les événements tels qu’ils sont relatés dans le récit et les faits réels, nous constatons que le récit, loin d’être conforme à la réalité, reflète une forme particulière de réaction populaire aux agissements du pouvoir, tentative de reconstruction hypothétique de l’Histoire[40].

LA SURVIVANCE DE L'ÉPOPÉE DANS LA LITTÉRATURE AUJOURD'HUI

Comme partout ailleurs dans le monde, la littérature orale, et en particulier les épopées qui nécessitent un long travail de mémorisation dans le chef du conteur et une large disponibilité de la part du public, a particulièrement souffert de la concurrence des nouveaux médias — radio, télévision, Internet — et, dans une certaine mesure, du développement de la scolarisation. Mais si les médias ont concurrencé les récitants, ils ont aussi permis de conserver leur œuvre pour la postérité : de nombreux enregistrements sonores et audiovisuels sont disponibles dans diverses institutions à travers le monde, mais aussi sur Internet, sans compter les artistes qui ont enregistré certains passages de ces épopées sur CD, comme par exemple Égypte : les musiciens du Nil, réalisé en France dans les années 1970 à l’occasion du passage d’un groupe d’artistes originaires d’Al-Karnak, dans le Sa‘īd (Haute-Égypte), ou encore Musiques d’Égypte où F. Lagrange a réuni plusieurs exemples représentatifs de la tradition musicale égyptienne, dont un passage de l’épopée des Banū Hilāl.
   Et puis, si les conteurs qui narrent encore les aventures de ‘Antara Ibn Shaddād ou d’Abū Zayd Al-Hilālī sont rares désormais, ces héros à la place singulière dans la tradition arabe n’ont pas pour autant disparu des mémoires. En effet, les librairies du Caire ou de Damas proposent de nombreuses éditions bon marché de ces épopées, tantôt dédiées à un public large, tantôt adaptées aux enfants et illustrées, à côté des éditions plus savantes en plusieurs volumes — l’édition de l’épopée de ‘Antara publiée au Caire entre 1887 et 1893 compte huit volumes, tout comme d’ailleurs celle de Beyrouth publiée en 1979 — sans parler des films qui leur sont consacrés.
   Mais au-delà, l’allusion à ‘Antara est pratiquement devenue un topos de la littérature arabe contemporaine. Ainsi, en 1960, l’auteur égyptien Yahyā Haqqī publie une nouvelle intitulée ‘Antar wa-Jūliyīt («‘Antar et Juliette»). À première vue, le titre est une allusion évidente à la place d’excellence qu’occupe l’histoire d’amour liant ‘Antara à ‘Abla dans l’imaginaire arabe, exactement comme Roméo et Juliette dans la culture anglo-saxonne et même, plus largement, occidentale. En réalité, il s’avère que ‘Antar est ici un chien au pelage noir comme la nuit, un bâtard d’origine inconnue attaché à une famille populaire, tandis que Juliette est une chienne elle aussi, mais d’excellent pédigrée cette fois, appartenant à une famille bourgeoise. On est loin bien sûr de l’épopée, si ce n’est que ‘Antara n’emprunte pas seulement son nom au héros — les allusions à ses origines modestes et à son pelage « noir comme la nuit » constituant un clin d’œil évident aux origines du chevalier.
   Le Marocain Muhammad Ġarnāt quant à lui est l’auteur d’une nouvelle intitulée Qalaq al-fāris (« Le tracas du chevalier », 1988), qui met bien en scène cette fois ‘Antara Ibn Šaddād. On peut lire ce texte comme une métaphore de la méfiance par rapport à la différence, car ‘Antara quitte son époque sans même sans rendre compte et sort de sa tombe pour se retrouver dans le monde moderne, où il rencontre des hommes étranges en train de fumer du haschich et un policier qui le mènera à sa perte, lui qui ne demandait qu’à retrouver sa cousine ‘Abla – dans la tradition arabe, ‘Antara était célèbre pour l’amour qu’il vouait à celle-ci. Cette nouvelle est d’autant plus intéressante qu’elle ne s’attarde pas sur les origines africaines du héros — connues bien sûr de tout lecteur dans le monde arabe. Les seules allusions à son ascendance apparaissent dans l’allusion à ses lèvres épaisses et les surnoms qui lui sont attribués dans la nouvelle, comme abū al-muġallas, «celui qui marche dans l’obscurité», référence à la couleur de sa peau. Quant à son origine servile, c’est la raison de sa quête de ‘Abla dans le Maroc moderne. Il doit la retrouver et l’épouser pour « obtenir la seconde partie de sa liberté ». En effet, même après son affranchissement par son père, ‘Antara est resté l’objet des railleries de la part des hommes libres, épouser ‘Abla lui permettrait de changer définitivement de statut social.
   Mais c’est surtout à l’autre facette de ‘Antara que Muhammad Ġarnāt fait allusion : ses qualités de poète — il cite quelques vers de sa fameuse mu‘allaqa — sa bravoure et son ardeur au combat, son sens de l’honneur. Il va même jusqu’à citer un propos attribué à Muhammad, le prophète des musulmans, gage s’il en faut de son arabité acquise et reconnue : «jamais on ne m’a décrit un Arabe [de l’époque préislamique] que j’aurais voulu rencontrer, si ce n’est ‘Antara».
   En 1992, le Syrien Walīd Ikhlāsī publie une courte nouvelle intitulée Mā hadatha li-‘Antara ? (« Qu’est-il arrivé à ‘Antara ? »), qui se déroule à l’époque du mandat français sur la Syrie. Dans ce récit, ‘Antara est un enfant de l’âge du narrateur, qui terrorise son quartier. Pauvre, fils d’une mère célibataire, ayant le teint noir, les gens le soupçonnent d’être le fils d’une recrue sénégalaise de l’armée française et le surnomment donc ‘Antara, à la fois pour sa force physique, ses origines africaines et son statut de bâtard…
   Zakarya Tamer[41], célèbre compatriote du précédent, a écrit lui aussi plusieurs nouvelles mettant en scène le personnage de ‘Antara. C’est le cas de ‘Antara Al-Naftî («‘Antara le pétrolier», 1994), et d’un texte plus récent, Masrakhanğar («Le sort d’une dague», 2000). Dans le premier cas, l’auteur transpose le héros à l’époque contemporaine, exactement comme Muhammad Ġarnāt avant lui, mais d’une manière peu élogieuse : ‘Antara est devenu milliardaire après avoir trempé dans des trafics douteux, il dispose de plusieurs passeports étrangers, et surtout il s’est blanchi la peau à l’aide de crèmes prévues à cet effet. Il faut probablement lire cette nouvelle comme la déchéance du héros, qui ne s’accepte plus lui-même et qui abandonne son légendaire comportement héroïque. Dans la seconde nouvelle, Khidr ‘Alwān est un homme d’une quarantaine d’années qui a perdu une oreille dans une bagarre et ne trouve pas d’épouse, ce qui désespère sa mère. La nuit, il entretient une conversation secrète avec ‘Antara, qui le console en lui rappelant que, malgré les moqueries subies à cause de la couleur de sa peau, il était aimé de ‘Abla et craint des autres hommes.
   Parfois, ‘Antara est juste cité en exemple pour mettre en évidence le courage ou la force physique d’un homme, sans allusion particulière à ses origines africaines. C’est ce que fait le narrateur de Hikāyāt hārati-na («Histoires de notre quartier», 1975), du célèbre romancier égyptien Naguib Mahfouz, interrogeant son père à propos de la force attribuée à l’un des brigands du quartier. L’allusion est encore plus fine dans Yamūtūn ġurabā («Ils mourront comme des étrangers», 1978) du Yéménite Muhammad Ahmad ‘Abd Al-Walī lorsqu’il parle des Ethiopiens dans les premières pages de son roman : «il vit parmi eux, mais il s’en tient éloigné, autant que la distance qui sépare ses habits sales et noirs de son visage blanc et souriant». En effet, en lisant cette phrase, le lecteur arabe ne peut s’empêcher de penser aux célèbres vers de ‘Antara, lui-même de mère éthiopienne :

Oui, ma peau est noire, j’ai le musc pour couleur,
Et il n’y a à cela aucun remède,
Mais je me tiens loin des mauvaises mœurs,
Autant que la distance qui sépare la terre du ciel.

Enfin, mentionnons aussi les auteurs qui intègrent non pas les héros des épopées dans leur œuvre, mais bien les conteurs eux-mêmes. Le cas le plus connu est celui d’Al-ayyām («Les jours»), le roman autobiographique du célèbre auteur égyptien Taha Hussein, publié en 1933, dans lequel il mentionne à plusieurs reprises les soirées passées à écouter un conteur de la geste des Banū Hilāl ou de celle de ‘Antara, professionnel ou improvisé. Dans son roman Zuqāq al-midaq («L’allée d’al-Midaq») publié en 1947, son compatriote Naguib Mahfouz décrit avec beaucoup de talent comment un conteur de l’épopée hilalienne est chassé du café où il se produisait depuis vingt ans, le propriétaire ayant acheté pour distraire ses clients… une radio ! Citons également la nouvelle du Palestinien Mahmoud Shukair, Mar’a min ġajariyyāt al-madīna («Une gitane de la ville»), qui narre une histoire d’amour entre une gitane et un conteur.
   Comme on peut s’y attendre, le théâtre arabe contemporain offre lui aussi une place de choix à la tradition épique. Parmi les dramaturges qui se sont inspiré des grandes épopées arabes, citons l’Égyptien Ahmad Shawqī, auteur d’une pièce intitulée ‘Antara («‘Antara», 1984), mais aussi Alfred Farağ, qui a réécrit Al-Zīr Sālim («Al-Zīr Sālim», 1989) ou encore le Syrien Ramzi Choukair, dont la pièce Al-Zīr Sālim et le Prince Hamlet a été jouée en Syrie en 2002 puis en France en 2004.


CONCLUSION

Malgré un intérêt manifeste pour l’épopée arabe en Europe au 19e siècle, en particulier pour celle de ‘Antara, celle-ci n’a pas su conserver l’intérêt du grand public occidental : les Mille et une nuits ont triomphé, au point même d’acquérir un statut plus important à Paris et à Londres qu’au Caire ou à Damas, tandis que ‘Antara, Abū Zayd, Baybars et les autres se sont fait distancer, malgré les louables efforts de quelques arabisants. Il faut dire que le 19e siècle était celui du romantisme, qui attachait une importance particulière aux épopées, perçues comme le reflet de l’âme des peuples qui les chantaient. On peut imaginer que l’épopée étrangère, à quelques exceptions près, a suivi le même sort que le romantisme lui-même, à savoir être cantonné désormais à être un objet d’étude dans un cadre académique.
   Il n’empêche que dans le monde arabe au moins ces héros ont su conserver leur place dans le patrimoine : certes, la tradition orale décline irrémédiablement dans le monde arabe, comme elle l’a fait en Europe bien avant, néanmoins ces épopées continuent de faire partie de l’imaginaire collectif, suffisamment en tout cas pour qu’un auteur se contente d’une allusion à l’un de ses héros, sans même citer son nom, tout en étant sûr d’être compris par son lectorat, ou du moins une partie de ce dernier.

Peut-être est-il temps de se lancer dans une nouvelle traduction française de l’un ou l’autre épisode de l’épopée de ‘Antara ou de celle de Dhāt al-Himma, en visant un public plus large que les spécialistes, pour donner une seconde chance à ces héros que les orientalistes et les artistes européens du 19e siècle avaient su apprécier à leur juste valeur?

NOTES

[1] Gerhardt, M. I., The Art of Story-telling, Leiden, 1963, p. 67 sq.
[2] Lyons, M. C., The Arabian Epic, Cambridge, 1995.
[3] Heller, B., Sirat 'Antar, Encyclopédie de l’islam², I, Leyde Paris, 1960, p. 536.
[4] Richmond, D., Antar and Abla : A Bedouin Romance, Londres, 1978.
[5] The Adventures of Antar, Warminster, 1980.
[6] Lane, E. W., Manners and Customs of the Modern Egyptians, Londres 1836.
[7] Il faut tout de même mentionner un exemple de littérature coloniale, le roman de P. Bruzon intitulé Djazia : légende épique tunisienne, Paris, 1927.
[8] Voir notamment Guiga, A., La geste hilalienne, Tunis, 1968 ; Saada, L. La geste hilalienne, version de Bou Thadi, Paris, 1985 ; Galley, M., Ayoub, A., Taghriba. La marche vers l’ouest des fils de Hilâl, Paris, 2005.
[9] Les muallaqāt, pluriel de muallaqa sont des odes de l’époque préislamique dues à sept poètes différents. Le terme signifie «les suspendues», car une légende prétendait qu’elles avaient été suspendues à la Ka‘ba, dans le sanctuaire de la Mecque, en raison de leur grande qualité. Il en existe plusieurs traductions françaises dont les plus récentes sont : Les Mu‘allaqat ou sept poèmes préislamiques (trad. P. Larcher), Paris, Fata Morgana, 2000 ; Les suspendues (version bilingue, trad. H. Toëlle), Paris, Flammarion, 2009.
[10] Heller, B., Sirat 'Antar, Encyclopédie de l’islam², I, Leyde Paris, 1960, p. 536.
[11] Voir par exemple Les enfances de Baïbars, Paris, Sindbad, 1995.
[12] Gavillet Matar, M., La guerre de la chamelle : la geste de Zîr Sâlim, Paris, Actes Sud, 2001.
[13] The Adventures of Sayf Ben Dhi Yazan : An arab Folk Epic, Indiana, 1999.
[14] Voir par exemple Al-Abnūdī, A., Al-sīra al-hilāliyya, Le Caire, 2002 ; Patterson, J. R., Stories of Abu Zeid the Hilali in Shuwa Arabic, Londres, 1930.
[15] Al-Abnūdī, Al-sīra al-hilāliyya, Le Caire, 2002, 1, p. 32 sq.
[16] Al-Abnūdī, Al-sīra al-hilāliyya, Le Caire, 2002, 1, p. 36 sq.
[17] Lane, E. W., Manners and Customs of the Modern Egyptians, Londres 1836, p . 386 sq.
[18] Heath, P., The Thirsty Sword, Salt Lake City, 1999, p. 31 sq.
[19] Ibid., p. 34.
[20] Lane, E. W., Manners and Customs of the Modern Egyptians, Londres 1836, p . 386 sq.
[21] Al-Abnūdī, Al-sīra al-hilāliyya, Le Caire, 2002, 1, p. 32.
[22] Patterson, J. R., Stories of Abu Zeid the Hilali in Shuwa Arabic, Londres, 1930, p. 23 sq.
[23] MacMichael, H. A., The tribes of Northern and Central Kordofan, Londres, 1912, p. 231.
[24] Luffin, X., Les échanges de motifs littéraires entre chrétiens et musulmans à l’époque ottomane. Le cas de la tradition orale des âşık, Res Antiquae, 7 (2010), p. 151 sq.
[25] M., La guerre de la chamelle : la geste de Zîr Sâlim, Paris, Actes Sud, 2001, n. 58 p. 256 et n. 99 p. 260.
[26] Slyomovics, S., Arabic Folk Literature and Political Expression, Arab Studies Quarterly, 1986, 8, 2, p. 179.
[27] Slyomovics, S., Arabic Folk Literature and Political Expression, Arab Studies Quarterly, 1986, 2, p. 179.
[28] Guiga, A., La geste hilalienne, Tunis, 1968.
[29] Cherkaoui, D., Le roman de ‘Antar, Paris, 2000 : 295 sq.
[30] Pour les diverses occurrences des Amazones dans les épopées arabes, voir Lyons, M. C., The Arabian Epic, Cambridge, 1995 2, p. 277.
[31] Ducène, J.-C., L’île des Amazones dans la mer Baltique chez les géographes arabes : confluence du Roman d’Alexandre et d’une tradition germanique, Rocznik Orientalistyczny, 54, 2, 2001, p. 171-181.
[32] Canard, M., Les principaux personnages du roman de chevalerie arabe Dāt al-himma, Arabica, 8,2, 1961 p. 163.
[33] Lettres sur l’Histoire des Arabes avant l’islamisme, p. 14.
[34] Al-Abnūdī, A., Al-sīra al-hilāliyya, Le Caire, 2002.
[35] Matar, M., La guerre de la chamelle : la geste de Zîr Sâlim, Paris, Actes Sud, 2001.
[36] Saada, L., Gestes orientales arabes du Moyen-âge, in Itinéraire. Littératures et contacts de culture, Paris, 1982, p. 202.
[37] Heath, P., The Thirsty Sword, Salt Lake City, 1999, p. 33.
[38] Matar, M., La guerre de la chamelle : la geste de Zîr Sâlim, Paris, Actes Sud, 2001, n. 11, p. 251.
[39] Luffin, X., Les échanges de motifs littéraires entre chrétiens et musulmans à l’époque ottomane. Le cas de la tradition orale des âşık, Res Antiquae, 7 (2010), p. 152.
[40] Fahmi, A., Epopée et sociologie ; le cas de l’Égypte, Egypte Monde arabe, 14, 1993, p. 61-66.
[41] Pour les noms des auteurs connus ou traduits en français, nous utilisons l’orthographe adoptée dans notre langue.

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