LE JOUR OÙ J'AI DÉCOUVERT LA TRADUCTION ASSISTÉE PAR ORDINATEUR (UNE EXPÉRIENCE TECHNOLOGIQUE)
Je travaillais à Seneffe sous un grand parasol blanc avec quelques-uns de mes traducteurs, des lunettes de soleil sur le nez et les pieds nus dans le gravier. Nous étions au calme dans la cour carrée du Collège des traducteurs de Seneffe, il y avait là John Lambert, Marianne Kaas, Jovanka Sotolova, Mirko Schmidt et Yu Zhongxian, il y aurait pu y avoir aussi bien Kan Nozaki, Bernd Schwibs, Zeng Xiaoyang et Roberto Ferrucci (je pourrais d'ailleurs leur dédier ce texte, même s'il est à peine commencé et que je ne sais pas encore très bien où je veux en venir, mais c'est fait : je dédie ce texte à mes traducteurs, même si l'endroit en toute fin de parenthèse n'est peut-être pas très bien choisi). Bah Je travaillais ainsi tranquillement avec mes traducteurs sur mon dernier livre, Faire l'amour, et nous étions en train d'évoquer certaines difficultés du texte quand Marianne Kaas m'a demandé de préciser ce qu'étaient des caissons lumineux (dans la phrase "une colonne de lumière qui montait à la verticale le long de la façade, composée de sept ou huit caissons lumineux superposés qui annonçaient la présence de bars à chaque étage du bâtiment"). Yu Zhongxian s'est soulevé au-dessus la table et a ouvert le guide du Japon que Marianne Kaas avait acheté spécialement à Amsterdam pour cette traduction (excellente initiative, de se munir d'une documentation spécialisée dans sa langue pour traduire un roman qui se passe au Japon), tandis que, sans un mot, je me levais et regagnais ma chambre. Je suis revenu presque aussitôt, mon petit ordinateur portable blanc à la main, que je venais de mettre sous tension, et, d'un doigt souple glissant sur le trackpad, j'ai ouvert quelques fichiers et j'ai retrouvé une photo que j'avais prise à Tokyo en juin dernier : Voilà, c'est ça, des caissons lumineux, ai-je dit (et c'est ça aussi la traduction assistée par ordinateur, ai-je pensé). Copyright texte et photo © Jean-Philippe Toussaint, 2003 |