TROISIÈME IMITATION DE YEATS
Troisième imitation de Yeats
Je fis un manteau de mon poème
puis je le recouvris de soieries
empruntées aux anciennes mythologies
depuis le col jusqu'à l'ourlet
Mais des fous le dérobèrent
et le portèrent sur les avenues
comme s'il leur appartenait
Dès lors poème je t'abandonne
puisqu'il est plus courageux
de marcher nu
Et je marche nu
par les rues de la ville
je m'y suis tenu
jusqu'à cette fille
qui m'a reconnu
dans une longue file
la leçon est retenue
bientôt je me rhabille
Parce qu'il est question du poème
et que dans le poème il y a le poète
en tout en partie ou plutôt au-delà
à moins que ce ne soit à côté
duquel ? je ne suis plus certain
raison pour laquelle je marche nu
sous la pluie qui tombe drue
et ruisselle sur mes tatouages
l'encre figée dans ma peau
pendant que je me décompose
moi le poème juste des mots
figés avec de l'encre qu'
on pose
sur du papier issu de l'arbre
dont les racines fouillent l'humus
où moi le poète je me désagrège
sous l'effet de la pluie qui tombe
(remarque ici l'
homonymie, j’insiste)
en effaçant mes traces toute trace
puis mes jambes mon torse mes bras
ma tête et enfin mes yeux
ceux je veux dire du poème
je ne sais plus très bien
Tentatives de poèmes automatiques
les doigts glissent sur le clavier
sans frein comme un train
lancé à pleine vitesse
et que rien n'arrête
sauf le mur où il s'écrase
quand le poème avorte
mais tu es seul juge mon amour
je cherche sans arrêt sans gare
je cherche des solutions
et c'est tout ce à quoi je prétends
ici je cherche à contrer ma manie
de remanier et remanier à l'infini
puis aussi une cinquième personne
du singulier une singularité à côté
des je je qui est l'autre tu et il ou elle
qui les contiendrait et les recouvrirait
parallèle entre fiction et ladite réalité
un chemin que j'encre à vif
et je m'
enfonce en toi
là où tu m'accueilles il fait chaud
et j'oublie tout pour une seconde
tous les tours tous les poèmes
que je te donne que j'éjecte
je voudrais que tu les avales
comme une giclée de sperme
J'attends
Que ça monte en moi
Ce je ne sais quoi
Qu'il me faut trouver
Juste avant l'aube
J'
attends
Assis devant la montagne
Mais déjà un voile blafard
Essuie l'orient déchiqueté
Par les crocs des sommets
J'
attends
Non pas une vision
Mais une nuance rectiligne
Qui mènerait de moi à moi
Après avoir détruit un à un
Tous les masques accumulés
J'attends
Pourtant le temps est compté
Et rien ne vient corrompre
Ce venin qui fait barrage contre
Le droit chemin vers mon identité
J'attends
Pas la moindre clarté en moi
Malgré les constellations et la nuit
Dont l'harmonie reste troublée
Par la multitude d'un corps étranger
J'attends
Sans illusion maintenant
Le jour vire et surplombe son jumeau
Cette fois encore je ne trouverai rien
Sinon la blessure du soleil au petit matin
Copyright © Serge Delaive, 2007
Copyright © Bon-A-Tirer, pour la diffusion en ligne
|