Quel est le dénominateur commun entre James Joyce, Karen Blixen, Jorge Luis Borges, Vladimir Nabokov, Katherine Mansfield, Andreï Biely, Ernst Jünger, Edith Wharton, Marcel Proust, Georges Simenon, Alberto Moravia, Dino Buzzati, Joseph Conrad, Virginia Woolf, Blaise Cendrars, Graham Greene, Yukio Mishima, Stanislas Witkiewicz, Thomas Bernhardt, André Malraux, Jorge Amado, Robert Musil, Mikhaïl Boulgakov ou encore Stefan Zweig ?
On pourra répondre qu’ils ont tous disparus et qu’ils sont tous des géants de la littérature du XXe siècle. Cette réponse, il va sans dire, ressortit à une évidence littéraire.
Mais, il y a une autre évidence : ils sont tous aussi des recalés du Nobel, à supposer que le jury du célèbre prix ait jamais songé à inscrire leur nom sur ses augustes tablettes.
Philip Roth l’aura-t-il un jour ? Ou Joyce Carol Oates ? Ou Umberto Eco ? Ou…
Depuis quelques décennies, avoir un talent immense ne suffit pas. Ni a fortiori du génie. Ce qui importe au premier chef, c’est d’être littérairement correct. Bien propre, bien lisse. Et d’être le pourvoyeur de livres prêts-à-lire et prêts-à-être-lus chez les biens pensants et les béni-oui-oui. Genre bobo ou genre gogo, c’est selon. De bons petits opus qu’on peut mettre entre toutes les mains, et de préférence entre celles des incrédules.
Tiens, je pense d’abord à Stefan Zweig. Est-ce parce qu’il a été, dans les années 1920 et 1930, l’écrivain le plus apprécié, le plus lu et le plus traduit au monde qu’on lui a refusé le Nobel ?
L’Académie à Stockholm n’aime pas trop, il est vrai, les écrivains dont les œuvres sont des best-sellers, même s’il lui est arrivé, presque par mégarde, de distinguer quelques-uns d’entre eux, comme Rudyard Kipling, François Mauriac, Albert Camus ou Alexandre Soljenitsyne.
Ce qui est sûr en tout cas, c’est que Stephan Zweig n’a pas eu besoin du Nobel pour rester, soixante-dix ans après son suicide tragique à Petropolis au Brésil, dans l’actualité éditoriale et pour continuer de fasciner n’innombrables lecteurs.
Je place très haut deux de ses livres : son grand roman La Pitié dangereuse et ses souvenirs baptisés Le Monde d’hier – Le Monde d’hier qui est peut-être le meilleur document jamais écrit sur la chute de l’Empire austro-hongrois, la montée de l’antisémitisme en Europe et l’avènement d’Adolf Hitler.
Deux purs chefs-d’œuvre. Deux formidables vertiges.
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