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 |  | PRIS DANS L'INACHÈVEMENT Vivreà hauteur des zones intermédiaires
 à hauteur du V qui ouvre la danse
 ou bien vivre
 l'art de la fugue
 au fond des poches
 à côté de l'axe
 qui étreindra la terre?
 
 Vivre
 la chair allégée du réseau des idées
 dans le sillage des verbes bleus
 ou bien vivre
 entre les voyelles et les consonnes
 les cheveux accordés au peigne lexical?
 
 Vivre
 les lèvres collées au delta du fleuve
 la main du jour
 la main de nuit
 caressant
 ou bien vivre
 à bord de l'image du bond
 qui n'accoste à aucune rive?
 
 Vivre à côté ou vivre au dedans?
 
 *
 
  De naissance
 je saigne
 à la croisée
 d'un veuvage haut relief
 et d'une ribote d'axiomes tristes
 
 En fractions
 en glissements continus
 en chapiteaux corinthiens
 en mosaïques interdites
 je saigne
 ma vie paire
 sur le corps impair du monde.
 
 *
 
  Pourquoi la serrure des naissances
 ne s'ouvre-t-elle
 qu'avec la clé du trépas?
 
 Pourquoi le violon de l'angoisse
 ne vibre-t-il
 qu'avec l'archet de Dionysos?
 
 Pourquoi la croix
 a-t-elle chassé son occupant
 et conféré parole
 aux cercles de l'effroi?
 
 *
 
  À coups d'excisions
 l'il
 en arrière de l'il
 défait la vue commune
 méprisant l'offert
 pour la genèse
 soufflant feu sur la glace
 hier sur maintenant
 une harde d'images blessées
 au fond de son orbite.
 
 *
 
  Tu as descendu les marches
 qui ne faisaient plus partie du temps
 Tu as glissé dans l'écrit
 ce qui ne relevait d'aucune langue
 Ton il a aboyé
 afin de réveiller les meutes de ton enfance
 Ton esprit en colimaçon
 a transpercé les joues de l'éternité.
 
 *
 
  Au fond de la rivière
 j'ai caressé ton visage d'autrefois
 ton visage de foudre et de brumes
 que tu me laissais conduire vers ton enfance
 
 Au fond de la rivière
 j'ai caressé ton sourire de pierre
 à la commissure de la grande fugue
 la voile de l'amour en berne.
 
 *
 
  Entre les récifs
 et les terres penaudes
 les joncs
 lancent leurs prières
 au dôme plus lisse qu'un sein.
 
 *
 
  Sur ton visage fermé
 les amers
 pointent les lignes
 à ne pas franchir
 d'une nudité des sens
 ou d'une envie-nénuphar
 
 Qui vit sur pilotis
 se prive
 de la fièvre de la terre
 et demeure étranger
 aux battements de la langue
 sur des eaux salines.
 
 *
 
  Dans les gisements bleus du passé
 les têtes de basalte
 fouaillent
 le ventre des aurochs
 une torche dans chaque orbite
 un silence de cobra au ras des sourcils
 afin de sacrer les noces
 de la grotte endeuillée
 et de l'orage blanc.
 
 *
 
  Ôte ta vieillesse de mes eaux
 hurle le ruisseau au saule
 
 Rivière, garde tes chiennes d'écume
 loin de ma beauté
 supplie la roche taillée dans la grâce
 
 Rocher, voile ton éternité sous une mousse drue
 implore le candidat au suicide.
 
 *
 
  Battue par les préfixes
 la mer
 fait trébucher
 le reflux sur le flux
 
 Rouée de suffixes
 la brebis
 met bas
 des pelotes de laine
 prolixes en bêlements
 
 Seules les amours de piémont
 s'abstiennent
 de toute inflexion.
 
 *
 
  J'ai déplié
 des morts insalubres
 aux viscères dévorés par la foi
 
 J'ai déplié
 des morts fangeux
 claudiquant sur des échasses de verre
 
 J'ai déplié
 des morts envieux
 qui
 vers leurs confrères
 lorgnaient
 
 J'ai déplié des morts
 à cheval sur l'avant et l'après
 l'auréole de Caïn
 leur servant de passe-partout
 
 J'ai déplié
 des morts distraits
 qui
 aux vivants
 s'accouplaient
 
 J'ai replié
 les morts du dimanche
 que tu sortais
 à l'angle de tes marais de peurs.
 
 *
 
  Palimpsestes
 pris dans l'inachèvement
 du pâle inceste
 roulez filigranes
 sur filicrâne de fillette
 
 Et aucune mûre
 pour ôter le jadis
 tant que
 des gelées de lave
 obstruent sa bouche
 qui court
 hors des zestes du pal
 
 Et toujours
 l'épèrevier
 qui coupe sa sieste
 quelques parallèles
 en deçà du nombril.
 
 Copyright © Véronique Bergen, 2009Copyright © Bon-A-Tirer, pour la diffusion en ligne
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