Bon-a-tirer est une revue littéraire diffusant en ligne, en version intégrale des textes courts originaux et inédits écrits spécialement pour le Web par des écrivains actuels principalement de langue française.






 
LE JOUR OÙ J'AI RETROUVÉ CHEZ MOI QUELQUES PHOTOS DE QUAND J'ÉTAIS PETIT

Avant de prendre congé, je lui confiai du reste à ce propos que j'avais retrouvé chez moi quelques photos de quand j'étais petit. Je vais vous les montrer d'ailleurs, dis-je en sortant l'enveloppe de la poche de ma veste. — L'Appareil-Photo (1989).

Ces photos que j'évoque dans L'Appareil-Photo existent, ce sont les photos de mon enfance, elles ont presque toutes été prises par mon oncle, Jean-Pierre Lanskoronskis, qui est mort en octobre dernier, je pense à lui avec émotion chaque fois que je les revois. Je ne me souviens plus si j'avais ces photos sous les yeux dans mon bureau d'Erbalunga quand j'écrivais le début de L'Appareil-Photo ou si je les décrivais de mémoire, mais je sais que je les ai réunies par la suite et confiées à un membre de l'équipe de La Sévillane, accessoiriste ou assistant, qui les a gardées précieusement pour les remettre le jour venu à Jean-Claude Adelin et Mireille Perrier, les acteurs du film, qui s'en sont servi pour jouer la scène du petit déjeuner dans le décor de l'école de conduite (trois de ces photos apparaissent d'ailleurs dans le film). Car ce sont bien de vrais tirages d'époque que les acteurs manipulent, ce sont les photos prises par mon oncle Pimpin au début des années soixante.

Je les ai retrouvées récemment chez moi, éparses, éparpillées, dans diverses chemises et boîtes de photos.

Ici, c'est moi, oui. J'ai d'ailleurs un peu de mal à imaginer que ce petit bonhomme s'appelle Jean-Philippe (mais, à y regarder de près, c'est bien moi : la confiance et la gentillesse du sourire semblent masquer l'anxiété que trahit la position des mains). Je dois être dans l'appartement de la rue Montjoie, ou bien déjà rue Jules Lejeune, au quatrième étage de l'appartement du 2 rue Jules Lejeune, où j'ai habité jusqu'à l'âge de douze ans. L'histoire — ou la légende — dira peut-être que c'est là le jour où je me suis gratté les couilles pour la première fois (début d'une longue carrière, en tout cas).

Quelque quarante ans plus tard, dans La Télévision (1997), j'écrivais :

Mon fils, allongé dans le canapé, vêtu d'un petit pyjama me regarda entrer dans la pièce sans bouger (fataliste, comme on regarde passer l'orage), les genoux à hauteur du visage, qui regardait son dessin animé la bouche ouverte en se chipotant rêveusement la biroute et les croquettes dans le pantalon de pyjama. Mon entrée ne sembla nullement perturber ses visées, il releva un instant les yeux sur moi pour voir qui entrait, puis les reposa sur l'écran, continuant à en faire à son aise dans son pantalon de pyjama. Ça te gratte, le zizi, ou quoi? lui demandai-je. Non, pourquoi, me dit-il. J'allai baisser le son du moniteur et ressortis de la pièce (il me faisait penser à moi, parfois).

Mais, si mon fils me faisait penser à moi, moi-même aussi, enfant, je pouvais faire penser à moi et à ce que j'allais devenir. Car, à deux ans, n'avais-je pas déjà l'air d'un écrivain (ici, avec mon grand-père, en bordure des jardins de l'abbaye de la Cambre, à Bruxelles, au début des années soixante)?

 

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